Tout a été dit sur l'actualité d'une crise grecque qui serait inévitablement vouée à se muer en crise de toute la structure institutionnelle de l'Eurogroupe, sinon de de l'Union Européenne toute entière. Et je m'en voudrais d'ajouter à l'écrasante littérature des y-a-ka de toutes sortes qui fleurit depuis des mois. Et pourtant il me semble que se dégagent certains axes conformes à la raison que nous enseignaient les Grecs anciens.
Les diverse responsabilités émergent du brouillard. Ont concouru le manque de contrôle de l'UE sur l'évolution de la situation grecque depuis son entrée dans l'Eurogroupe, l'incapacité des gouvernements locaux successifs de droite comme de gauche, puis l'arrivée en 2015 de politiciens ayant flairé la possibilité de surfer sur l'inévitable vague de frustration d'une population soumise aux rigueurs du redressement de ses finances.
Il était clair pour la plupart des observateurs en début d'année que la question n'était plus s'il y avait un risque de défaut de la Grèce mais comment on allait l'organiser. La question de l'habillage de cette "restructuration" vis-à-vis des opinions publiques des autres pays était centrale: comment ne pas heurter les contribuables des pays les plus riches ni donner des idées aux populations des autres pays fragiles du Sud.
 
Des efforts significatifs avaient déjà été consentis par une partie de la population, on s'est gargarisé avec le solde primaire primaire retrouvé. C'était un progrès mais le niveau des taux qu'exclue cette notion, est sous totale perfusion de l'Allemagne et de quelques pays à fort crédit.
Les provocations démagogiques du nouveau gouvernement ont en outre mis à mal la confiance et ce ne sont plus seulement les taux qui sont artificiellement bas mais l'accès au principal qui est quémandé quotidiennement par le système bancaire grec auprès de la BCE.
Tout peut donc arriver et dans l'intérêt même de la Grèce il faut que l'Eurogroupe tire rapidement des conclusions pour rester une zone d'équilibre puissante, à même de secourir ceux de ses membres en difficulté.
 
La fameuse remise des chevaux devant la charrue, c'est à dire la fédéralisation d'un minimum de fonctions centrales à caractères économique et financier d'un certain nombre de pays membres (liste à établir) devient d'une urgence brûlante. C'est probablement la seule façon de pérenniser les notes des grands emprunteurs de l'Eurogroupe pour qu'il puissent continuer à en faire profiter ceux des plus fragiles qui font des efforts. Songeons à ce que nous coûterait un retour des taux longs vers des niveaux ne serait-ce que proches des États Unis ( pourtant pas le pays le plus fragile de la planète ): la France verrait sa facture annuelle aggravée de plus de 20 milliards d'euros par point de hausse.
 
Auparavant il faut probablement manier la carotte et le bâton autant vis-à-vis des Grecs que des autres opinions. À Athènes comment ne pas reconnaître le prix géostratégique attaché à la présence de la Grèce sur le flanc sud-est du continent. Mais en étant clair sur le point que les efforts déjà consentis ont une limite. Il faut y appuyer les forces politiques raisonnables en contribuant à trouver des solutions qui corrigent des abus et malversations manifestes pour épargner les plus modestes. Ce qui après tout constituerait une stratégie plus authentiquement de gauche que les moulinets parfaitement hors de saison de l'improbable alliance au pouvoir.
Au premier signe de bonne volonté de l'occupant de la Villa Maximos il reviendra à Bruxelles, au delà des modalités du "haircut" imposé aux divers créanciers, de suggérer les pistes finançables de relance de la croissance, sans laquelle toute stabilisation de la situation grecque serait illusoire.
Carotte et bâton également pour obtenir le soutien politique des pays "raisonnables": Mme Merkel n'est pas forcément à court d'arguments pour convaincre son opinion et ses contre-pouvoirs en Allemagne. Elle s'est déjà appuyée précédemment sur l'opinion de ses grands industriels pour défendre l'euro. Ces derniers savent ce qu'ils doivent aujourd'hui comme demain au maintien d'un hinterland européen monétaire stable pour leurs exportations. Même la cour constitutionnelle de Karlsruhe n'a pas été insensible à cet argument dans le passé lorsqu'il s'est agi, disons au minimum, de ne pas faire obstacle aux initiatives hardies de M.Draghi. Les quelques 300 milliards de dette en cause représentent un peu plus du quart du coup de pouce monétaire que la BCE a annoncé en début d'année pour soutenir la croissance de la zone. Ce n'est pas rien mais cela ne pèsera en rien sur la situation économique à court terme. Reste à ne pas laisser se développer la contagion. Les autres pays vulnérables ont cependant consenti eux-mêmes beaucoup d'efforts, ils méritent qu'on leur épargne le spectre des queues devant les distributeurs de billets !
 
À ce stade de mes réflexions je me suis arrêté, un peu interloqué: ne suis- je pas en train de me tromper de saison en rédigeant mon traditionnel conte de Noël qui aime supposer résolus nos sujets de préoccupation? Et pourtant qu'est-ce qui peut bien être irréaliste dans mes élucubrations ? Ah si, j'ai trouvé: la confiance réciproque et l'instinct de survie !
 
Aux hommes de bonne volonté .......
 
Jean-Paul Pierret
Mercredi 8 juillet 2015