21/09/2015

Le président de la banque fédérale de Richmond était bien seul hier en se prononçant pour une hausse de 25 bp de l’objectif des fonds fédéraux du FOMC. Comme le célèbre héros solitaire du feuilleton-western TV Le Virginien, il entend tracer sa route et prendre date pour la suite. Pas forcément catalogué parmi les faucons, M. Lacker me paraît aujourd’hui considérer que sortir au plus vite de cette longue période de taux zéro ne répond plus à un objectif de réglage conjoncturel mais plutôt à une question de principe et de restauration de hiérarchies naturelles.
Tout a été dit sur les incertitudes de la reprise économique, en cours depuis prés de cinq ans. La baisse ambiguë du taux de chômage, partiellement assise sur la faiblesse du taux de participation au travail de la population, un effet richesse reparti à la hausse sous l’effet de la montée des marchés et profitant à l’immobilier, un dollar renforcé qui à la fois pèse sur les exportations et protège contre l’inflation à la faveur du mouvement de balancier qu’il imprime aux prix des matières premières. Quelques points de plus ou de moins sur les taux ne sont guère susceptibles de modifier sensiblement cet équilibre.
 
 Alors que veut le virginien ?
- Il pense manifestement qu’un taux ne sert pas seulement à régler le taux de croissance mais que fondamentalement il exprime le prix du temps et du risque de l’investissement que l’on finance à crédit. Le FedFund Target est le soubassement de cet empilement de taux qui permet de juger de l’intérêt relatif d’investissements de durées et de risques différents. Un taux de base nul est un facteur de confusion qui exerce une mauvaise pédagogie pour l’ensemble des acteurs.
- On peut légitimement considérer que, dans le grand public, un retour progressif vers une normalité des taux, aussi lent soit-il, passerait pour un signal de confiance lancé par la FED.Or celle ci avertit à la fin de son communiqué que ses taux pourraient rester encore un certain temps inférieurs à ce qu’elle même juge normal à long terme. Elle n’en donne pas vraiment le motif et cela peut nourrir l’inquiétude. Saurait-elle des choses dont nous n’avons pas conscience?
- Il a été maintes fois mesuré que le risque d’une hausse des taux est très limité pour les marchés financiers, au moins dans une première phase, justement parce que cela témoigne de l’optimisme du banquier central. L’inverse peut se révéler vrai, surtout que ce premier mouvement était tant attendu.
- D’une certaine façon Jeff Lacker met en garde Mme Yellen contre le risque d’apparaître « behind the curve» c’est à dire d’écorner sa crédibilité et de devoir réagir trop vite et trop fort si jamais le besoin s’en faisait sentir. En matière d’inflation importée notamment, j’ai en effet été très attentif au dernier point de vie de Jim Paulsen ( stratégiste de Wells Capital Management) pour lequel l’actuelle chute des matières premières est proche de son plancher et que tout le bénéfice en matière de désinflation est derrière nous.
 
Gageons que la solitude actuelle de notre virginien ne sera pas éternelle et que le partage des points de vue au sein du FOMC se fera de moins en moins entre faucons et colombes mais entre partisans de la normalité et avocats un peu timorés d’un excès de prudence.
 
Jean-Paul Pierret
Pour CoDiese
Le 18 septembre 2015